Fred Justin a cinquante-cinq ans et il est en proie à une crise existentielle, le monde lui paraissant condamné à l’Apocalypse tant il se délite de jour en jour, aussi bien que professionnelle, puisque sa carrière de scénariste-écrivain est au point mort.
Parce qu’il est désœuvré, il lui prend soudain l’envie de renouer avec un ancien copain de lycée, Ange Zucchini. Mais Ange n’a pas changé : toujours un coup foireux à préparer. Et là, il propose à Fred rien de moins qu’un enlèvement avec une super rançon à la clé, pour s’assurer au final un avenir grand luxe.
De quoi entraîner notre écrivain dans une série de péripéties à côté desquelles l’Apocalypse telle qu’il l’envisageait initialement n’est rien !
L’auteur a-t-il réellement connu le vertige de la page blanche et ce roman (à trois histoires distinctes mais qui se font écho) est-il le produit de sa panne d’écriture ? C’est vrai que je me suis posé la question, compte tenu des similitudes (âge, profil professionnel) entre le héros et l’écrivain. Au point de me demander si le roman que j’avais entre les mains n’était pas une vaste pochade de l’auteur, une espèce de pied-de-nez à ce que la littérature et les films grand public peuvent nous proposer ces temps-ci (additionné de quelques clins d’œil de cinéphile), une façon rigolarde de recycler le tout, de le passer à la moulinette et hop, on va voir ce qu’on va voir, il va bien en sortir quelque chose, même que je l’aurai, là, mon livre qui m’échappe !
Pourtant, j’avais beau constater que les ficelles utilisées étaient super grosses, qu’on était davantage dans le pastiche genre humour noir que dans le vrai roman noir (et a fortiori dans la grande littérature qui étudie l’humain en long, en large et en travers), je ne le lâchais pas, mon bouquin !
Parce qu’elles sont accrocheuses, ces trois histoires ! Du genre page-turner pas prise de tête où on se dit que l’auteur nous mène en bateau mais qu’on aime ça et on veut savoir comment il va s’en sortir, de ces récits pas possibles (entre lesquels il rebondit à coups de jeux de miroirs et autres mises en abymes) avec leur gueule d’atmosphère, de roman fantastique, de thriller psychologique, où par endroits du sang gicle partout (mais c’est bon, l’auteur nous épargne le gore insoutenable, c’est un peu du sang-ketchup de cinéma). Et puis, on s’y attache, mine de rien, à notre Fred Justin avec ses états d’âme, son pessimisme chronique et, paradoxalement, sa naïveté, ce quinquagénaire empêtré dans sa vie qui l’ennuie… mais dont il a maintenant si bien réussi à emmêler les fils recomposés qu’on s’inquiète pour lui : et s’il ne réussissait pas à les démêler ?
Roman original, qui ne se prend pas au sérieux y compris lorsqu’il nous livre ses clés, « L’Apocalypse selon Fred » mélange allègrement et avec une bonne dose d'humour caustique les genres psycho-fantastico-policier. Le lecteur, lui, joue à se faire peur mais sans y croire et redécouvre, surtout, le plaisir de se faire raconter des histoires ! Tant et si bien qu’il pourrait faire sienne cette réplique de Fred :
« Alors, oui, je me laisse porter, je profite de la vague et, comme dans un vieux conte de fées, j’attends la chute ».
« L’Apocalypse selon Fred », Philippe SETBON
éditions Buchet-Chastel (554 p)
Paru en mai 2010
Commentaires
@ BiblioMan(u) : Oui, tu soulèves bien LA question ! Surtout quand, comme moi, on n'est pas forcément très rapide pour lire !
Là, je reviens de la bibli où j'ai emprunté "Sur la route", de Kerouac, dans sa version d'origine (mais je ne l'ai jamais lu dans l'autre) et "Mainstream", de Frédéric Martel, un pavé lui aussi : bon, l'avantage des bibliothèques (mais là, je prêche un convaincu) c'est qu'au moins je pourrai picorer dans les deux sans obligatoirement les lire in extenso.
La lecture de ce billet met en avant une question existentielle : comment, oui, comment lire tout ce qu'on veut lire, hein ? Je pose la question. J'ai parcouru la quatrième de couverture et ta chronique me conforte dans l'envie de le lire. Va falloir faire des choix !
Merci de ta visite sur mon blog ! Je suis également ravie d'avoir fait ta connaissance hier. Je ne manquerai pas de revenir ici... @ bientôt
Reka, si tu ne le sens pas, ce roman, c'est qu'il ne doit pas être pour pour toi, il en faut pour tous nos goûts
(tag vu !)
Je ne le sens pas, celui-là...
PS : Brize, je ne sais pas si tu es au courant, mais tu es taguée chez moi
@ In Cold Blog : Le jour où j’aurai à commenter la lecture d’un roman de Faulkner (
P.S: : j'adore le smiley que tu as utilisé, je me vois en train de semer gracieusement au vent du Net des billets-étoiles, ça m'a beaucoup fait rire !
@ Leiloona : Ce n’est pas un roman qui plaira à tout le monde, il est trop atypique pour cela, mais j’ai passé un très bon moment de lecture et je suis certaine que je ne serai pas la seule dans ce cas.
@ Ys : Oui, il n’est pas ordinaire ce roman et je crois bien qu’il pourrait te plaire !
ce truc a l'air bien bizarre, ça me plait !
Hum, bien alléchant en tout cas !
Mais je suis tout autant ébahi (et envieux !) de la vitesse à laquelle tu écris tes billets !!!
@ Clara : J’espère bien
@ In Cold Blog : Quand j’aime bien un livre, j’ai tendance à le dévorer (c’est mon côté gourmande
@ Freude : Si ma présentation te donne envie de le lire, c’est qu’il a de bonnes chances de te plaire !
Voilà un billet qui donne envie, je note !
Voilà donc ma curiosité satisfaite ! (t'es une rapide, dis-donc)
ma curiosité est attisée...